Conseiller un chef d’entreprise dans la gestion et la transmission du son patrimoine professionnel constitue une opération délicate.
L’exercice nécessite l’analyse de nombreux paramètres ayant trait au droit des sociétés, au droit patrimonial de la famille, à la fiscalité professionnelle et personnelle, à la protection sociale et aux stratégies de rémunération.
La synthèse de cette analyse permet de concevoir une ingénierie patrimoniale aux facettes multiples :
- Gestion des modes de détention – Adaptation des statuts juridiques, fiscaux et sociaux;
- Opérations de donation/cession et d’apport/cession ;
- Recours aux sociétés holding ;
- Opérations liées à l’acquisition, l’exploitation et la cession de l’immobilier d’entreprise ;
- Stratégies d’encapsulement ou de cashout dans des structures passibles de l’impôt sur les sociétés ;
- …
Au cours de la dernière décennie, le législateur est venu bouleverser régulièrement les règles du jeu. La doctrine administrative et la jurisprudence ont ajouté à ces textes. Les administrations fiscales et sociales sont devenues de plus en plus agressives. L’acte anormal de gestion, l’abus de droit fiscal et l’abus de droit social, constituent des risques majeurs.
Le droit de la famille a été profondément modifié par une loi extrêmement dense et riche adoptée en 2006. Les règles successorales, la situation du conjoint survivant ont été aménagées. De nouveaux instruments, adaptés à la situation des chefs d’entreprises ont vu le jour (Mandats posthumes, Renonciation anticipée à l’action en réduction…). Ils n’ont pas toujours été exploités par les praticiens. La gestion des régimes matrimoniaux dans le temps reste toujours insuffisante. Le chef d’entreprise, le plus souvent consulte deux fois sur le thème du régime matrimonial : La première avant le mariage, la seconde…lors du divorce.
Le droit applicable aux libéralités a lui aussi beaucoup évolué. Le législateur a donné le jour aux donations atypiques (libéralités graduelles, résiduelles….)
Dans le même temps la notion de famille s’est transformée avec le développement de familles recomposées et de nouvelles formes d’unions (PACS, Mariage pour tous…)
La fiscalité a elle aussi fait l’objet d’un mouvement de grande envergure. La valse des textes, parfois de portée rétroactive, a été permanente au cours de la dernière décennie.
Les textes sont devenus de plus complexes et n’ont pas toujours brillé par leur cohérence.
La loi de finances pour 2018 a procédé au big bang fiscal avec la mise en place de la flat-tax et la réforme des régimes de faveur applicables en cas de transmission à titre onéreux des PME.
Une fiscalité peu pénalisante est maintenue en matière de transmission du patrimoine professionnel à titre gratuit. Sur ce plan la loi de finances pour 2019 va élargir et simplifier le dispositif Dutreil, régime encore largement ignoré par de nombreux praticiens.
Sur le terrain de la protection sociale et de la rémunération des dirigeants, ce fut également la révolution permanente.
Le régime fiscal et social applicables aux dividendes a été régulièrement modifié. Les arbitrages Mise en réserve/Rémunération/Distribution sont devenus de plus en plus complexes et ont dû être adaptés aux fils des lois.
L’assiette et le taux des cotisations sociales ont été régulièrement modifiés.
En matière de retraite, les non-réformes se sont succédées, dans un contexte de quasi faillites des organismes gestionnaires des retraites collectives. Une nouvelle réforme est annoncée.
En matière d’épargne professionnelle, on a pu assister au déclin de la retraite par capitalisation et à la promotion de l’épargne salariale. La loi PACTE et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 complètent ces dispositifs
Beaucoup des schémas classiques utilisés par les conseils ont été rangés en partie ou totalement au placard : Cessions d’usufruits temporaires, ventes à soi-même,…
A chaque stade du cycle de vie de l’entreprise, des solutions adoptées doivent être proposées.
(Extrait du support de Yasemin Bailly Selvi)
Face à toutes ces évolutions le conseil devra sécuriser les positions qu’il retiendra. Il devra également en permanence gérer un flux constant d’informations techniques et les analyser afin de les rendre opérationnelles.
En guise de conclusion : il faut positiver. Face à cette instabilité et à cette complexité, les clients, avides d’optimisation (parfois un peu trop…) ont et auront de plus en plus souvent besoin de conseils personnalisés pour les accompagner dans les différentes phases de la gestion de leur patrimoine.
Le marché est gigantesque et reste parfois inexploité.