![](https://www.fac-associes.com/wp-content/uploads/2021/12/unstoppable-6765928_1280-1170x836.png)
L’administration vient de publier quatre avis du Comité de l’abus de droit fiscal rendus suite à ses séances de juin et octobre 2021.
Toutes les affaires traitent de montages ayant trait à des réductions de capital jugées comme abusives par le fisc.
Pour la première affaire, l’histoire se termine mal pour le contribuable qui repart, avec en poche, un avis défavorable.
Pour les trois autres affaires (dont deux sont liées et qui concernent les deux associés d’une même société), la conclusion reste mitigée : Si les avis du Comité sont défavorables à l’administration, cette dernière annonce in fine son intention de poursuivre la phase contentieuse.
Avant d’analyser ces affaires, on reviendra sur le régime fiscal applicable à une réduction de capital.
I. Causes et incidences d’une réduction de capital
A-Impacts juridiques
Les articles L 225-204 et L 225-205 du Code de commerce traitent des dispositions juridiques spécifiques aux réductions de capital.
Le premier article précise que la réduction du capital est autorisée ou décidée par l’assemblée générale extraordinaire, qui peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser. En aucun cas, elle ne peut porter atteinte à l’égalité des actionnaires.
Le second indique notamment que lorsque l’assemblée approuve un projet de réduction du capital non motivée par des pertes, le représentant de la masse des obligataires et les créanciers dont la créance est antérieure à la date de dépôt au greffe du procès-verbal de délibération peuvent former opposition à la réduction, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.
B- Impacts fiscaux
Retour sur le régime applicable antérieurement à 2015
Les sommes perçues d’une opération de réduction de capital étaient imposées :
- d’une part selon le régime applicable aux plus-valuespour la différence entre la valeur de l’apport et le prix d’acquisition,
- d’autre part, comme un revenu distribué pour la différence entre le prix de rachat des titres et leur prix ou valeur d’acquisition ou de souscription ou, s’il était supérieur, le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés.
Ce dispositif particulier fut censuré par le Conseil Constitutionnel par le biais d’une QPC du 24 juin 2014. Tenant compte de cette décision, le législateur a dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014, mis en place à compter de 2015 un nouveau régime fiscal.
Régime applicable depuis 2015
Depuis 2015 l’opération relève de la fiscalité des plus-values mobilières et depuis l’intervention de la loi de finances pour 2018 deux modalités d’impositions sont applicables :
- le principe est celui de l’imposition de la plus-value brute selon le mécanisme de la flat-tax au taux global de 30% (12,80% d’IR et 17,80% de prélèvements sociaux),
- sur option (globale), il est possible de procéder à l’imposition d’une plus-value nette (déterminée après application d’abattements pour durée de détention dont les taux sont de 50%, 65% à 85%) via l’application du barème progressif de l’IR.
II. Mise en place de stratégie
Dès 2015, nombre de contribuables, accompagnés par certains de leurs conseils ont été séduits par ce nouveau dispositif. En 2015, la flat-tax n’était pas applicable et la taxation du gain au travers du régime des plus-values en remplacement de celui des dividendes permettait de réaliser une substantielle économie d’impôt.
Et rapidement on a vu se multiplier les applications de réductions de capital non motivées par des pertes…
Certains ont vu dans cette technique une alternative à la distribution de dividendes… Certains sont allés plus loin en appliquant la technique du coup d’accordéon (réduction suivie immédiatement d’une augmentation de capital) en dehors d’une stratégie d’effacement de pertes comptables.
A- Première affaire : réduction de capital dans une EURL (Affaire n° 2020-29)
Résumé de l’affaire :
Les faits se déroulent en 7 actes :
- Acte 1 : Le 9 février 2006, Y a créé l’EURL A dont il était le gérant avec un capital de 1 000 euros.
- Acte 2 : Le 30 mars 2011, le capital de la société a été augmenté de 45 000 € par incorporation des réserves pour être porté à 46 000 €.
- Acte 3 : Le 14 janvier 2014, le capital a, à nouveau, été augmenté de 54 000 € par incorporation de réserves pour être porté à 100 000 €.
- Acte 4 : Le 7 mai 2015, il a été décidé que le capital de la société serait réduit de 100 000 € à 80 000 € et que cette réduction de capital de 20 000 € serait réalisée par le rachat de 2 000 titres de la société à l’associé unique pour un montant total de 200 000 €.
- Acte 5 : La différence entre le prix de rachat et la valeur nominale des parts rachetées, soit 180 000 €, a été imputée sur le poste « autres réserves ».
- Acte 6 : Les 2 000 titres ont été annulés et la réduction de capital a été définitivement réalisée. En contrepartie de la cession des 2 000 titres de l’EURL A, la somme de 200 000 € a été inscrite au crédit du compte courant de l’associé unique Y.
- Acte 7 : Le gain retiré par Y lors du rachat de ces titres a bénéficié des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI conduisant à une imposition à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières prévue à l’article 150-0 A du même code et permettant l’application d’un abattement « renforcé » de 85 % pour durée de détention.
L’administration a considéré que l’opération de rachat de ses propres titres par l’EURL A à Y, son unique associé, suivie de la réduction du capital de l’EURL A non motivée par des pertes ne présentait aucune justification économique et avait pour seul objectif de permettre à Y d’appréhender des dividendes sous couvert de l’application du régime des plus-values des particuliers en contrariété avec l’intention du législateur et a estimé qu’aucun motif autre que fiscal ne justifiait cette réduction de capital.
Avis du Comité de l’Abus de Droit :
Le Comité a estimé qu’en présence d’une opération de rachat par une société à son unique associé qui la dirige d’une partie de ses titres suivie de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, l’appréhension par cet associé des sommes qui lui sont versées à raison de ce rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’il aurait ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société.
Il considère qu’il en va différemment si l’administration établit au vu de l’ensemble des circonstances dont elle se prévaut qu’une telle opération, en particulier si elle est effectuée de manière récurrente, constitue un montage artificiel, contraire de ce fait à l’intention poursuivie par le législateur, ayant pour seul but de permettre à cet associé d’appréhender des distributions effectuées par la société, imposables selon les règles applicables aux revenus de capitaux mobiliers et de bénéficier ainsi du régime des plus-values prévu par le 6° de l’article 112 du code général des impôts ainsi que de l’abattement pour durée de détention.
Le Comité a constaté que les opérations d’augmentation suivie d’une unique opération de réduction du capital de l’EURL A ont été effectuées sur une période de cinq années et que cette opération de réduction de capital non motivée par des pertes réalisée au titre de l’année 2015, qui a consisté dans le rachat des titres de Y suivi de leur annulation, a permis à l’unique associé de la société d’appréhender des réserves de celle-ci.
Le Comité a considéré toutefois que l’administration ne lui soumettait pas d’éléments circonstanciés permettant d’estimer qu’une telle opération ponctuelle de réduction de capital, qui ne contrevenait à aucune disposition sociale ou commerciale, constituait un montage artificiel ayant eu pour seul but de permettre à Y de bénéficier pour les gains qu’il a réalisés du régime des plus-values et de l’abattement pour durée de détention et d’éviter l’imposition selon les règles applicables aux revenus de capitaux mobiliers de distributions effectuées par la société.
Le Comité a émis en conséquence l’avis que, dans les circonstances de l’espèce, l’administration n’était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit. Avis non partagé par Bercy qui annonce sa volonté de poursuivre le contentieux.
Notre analyse :
L’analyse de Bercy apparaît à nos yeux agressive et donc injustifiée dans les circonstances de l’espèce. La réduction de capital était limitée dans son montant. Elle n’a pas été répétée…
Résumé de l’affaire :
La SAS A a été créée en 1997 par Monsieur X et exerce une activité de négoce.
En 2015 la société disposait d’un capital social de 250 000 euros (réparti en 2 500 parts sociales d’une valeur unitaire de 100 euros) intégralement détenu par Monsieur et Madame X et leurs deux enfants, alors âgés respectivement de 22 ans et 16 ans et rattachés à leur foyer fiscal.
Actions détenues | |
Monsieur X | 977 |
Madame X | 977 |
Enfant 1 | 273 |
Enfant 2 | 273 |
Le 30 juin 2015, il a été décidé :
- d’affecter aux réserves le bénéfice de l’exercice clos en 2014 s’élevant à 404 353 euros ;
- de réduire le capital social, pour le fixer à 232 600 €. Cette réduction étant réalisée par le rachat aux actionnaires de 174 actions en vue de leur annulation pour un montant unitaire de 2 288 euros. La somme totale de 398 112 euros, correspondant à ce rachat, a été imputée au plan comptable à hauteur de 17 400 euros sur le compte « Capital social » et à hauteur de 380 712 euros sur le compte des autres réserves. La réduction de capital par rachat des actions suivi de leur annulation s’est effectuée au prorata de la participation de chacun des associés au capital. soit le rachat de 68 actions tant pour M. X que pour son épouse et de 19 actions pour chacun de leurs deux enfants. En contrepartie de la cession de leurs titres par les actionnaires, les sommes dues ont été inscrites au crédit de leurs comptes courants d’associés.
|
Actions détenues | Montants attribués |
Monsieur X | 909 | 155 584 |
Madame X | 909 | 155 584 |
Enfant 1 | 254 | 43 472 |
Enfant 2 | 254 | 43 472 |
- d’augmenter le capital social d’un montant de 17 400 euros pour le porter au montant antérieur de 250 000 € par incorporation des réserves et par la création de 174 actions nouvelles. Ces actions ont été attribuées gratuitement aux associés.
Actions détenues | |
Monsieur X | 977 |
Madame X | 977 |
Enfant 1 | 273 |
Enfant 2 | 273 |
Le gain retiré par l’ensemble des actionnaires lors de l’opération de rachat des titres de la SAS a bénéficié des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI conduisant à une imposition à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières prévue à l’article 150-0 A du même code. A cette occasion, un abattement pour durée de détention de 85% à été appliqué. La plus-value réalisée, calculée sans abattement pour durée de détention, a été soumise aux prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine.
L’administration a considéré qu’en décidant, par une même délibération du 30 juin 2015, de l’opération de rachat par la SAS A de ses propres titres, suivi de leur annulation afin de procéder à la réduction du capital, laquelle n’a pas été motivée par des pertes, opération immédiatement suivie d’une opération d’augmentation de capital de même montant, les actionnaires de la société avaient recherché le bénéfice d’une application littérale des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI dans le but exclusivement fiscal d’éluder l’impôt frappant les distributions de dividendes.
L’administration a mis en œuvre la procédure d’abus de droit fiscal prévue à l’article L 64 du livre des procédures fiscales. Elle a écarté la qualification de plus-value et a remis en cause l’application aux sommes versées par la société du régime prévu à l’article 150-0 A du code général des impôts ainsi que le bénéfice de l’abattement renforcé de 85 % pour taxer la somme de 398 112 euros à l’impôt sur le revenu en tant que dividendes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sans appliquer l’abattement de 40 %.
En outre, l’administration a assorti les droits dus par le foyer fiscal de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %.
L’avis du Comité :
Le Comité relève que l’article L. 225-207 du code de commerce prévoit que les sociétés peuvent décider une réduction de leur capital non motivée par des pertes par voie de rachat de leurs titres suivi de leur annulation. Le Comité relève également que le législateur a, par la loi du 29 décembre 2014, généralisé le régime des plus-values applicable à la taxation des sommes attribuées aux actionnaires ou aux associés au titre du rachat de leurs titres.
Il constate que ce régime des plus-values s’applique ainsi depuis le 1er janvier 2015 notamment aux gains réalisés lors du rachat par une société de ses titres suivi de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes. Le Comité estime qu’en présence d’une opération de rachat par une société à ses associés d’une partie de ses titres suivie de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, l’appréhension par ces associés des sommes qui lui sont versées à raison de ce rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’ils auraient ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société.
Mais, il considère qu’il en va différemment si l’administration établit au vu de l’ensemble des circonstances dont elle se prévaut qu’une telle opération constitue un montage artificiel, contraire de ce fait à l’intention poursuivie par le législateur, ayant pour seul but de permettre aux associés d’appréhender des distributions effectuées par la société, imposables selon les règles applicables aux revenus de capitaux mobiliers et de bénéficier ainsi du régime des plus-values.
En l’espèce, il est estimé que les décisions de l’assemblée générale de la SAS A ont eu pour effet de rétablir exactement le montant antérieur du capital de la société et que cette double opération ne s’est traduite par aucune modification de la répartition du capital entre les actionnaires appartenant tous à la même famille.
Le montant des capitaux propres a été réduit et est passé de 1 974 870 euros à la date de cette assemblée, intégrant le résultat de l’exercice clos en 2014, à 1 576 758 euros compte tenu de la somme de 398 112 euros attribuée aux actionnaires.
L’opération de réduction de capital non motivée par des pertes a permis à l’ensemble des membres du foyer fiscal d’appréhender une somme globale de 398 112 euros inscrite à leurs comptes courants d’associés détenus dans la société.
Le Comité estime que les membres du foyer fiscal ne font état d’aucune circonstance particulière probante permettant d’estimer que l’opération de réduction de capital remise en cause par l’administration avait une justification autre que fiscale.
L’existence d’un abus de droit était bien caractérisée et la pénalité de 80% justifiée.
Sans surprise, l’administration a pris bonne note de cet avis confirmant son analyse.
En outre, l’administration a assorti les droits dus par le foyer fiscal de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %.
Notre analyse :
La solution retenue par le contribuable nous apparaît peu défendable. La concomitance des opération et l’absence de véritables justifications économiques sont des éléments qui confortent l’analyse de Bercy.
En outre, l’administration a assorti les droits dus par le foyer fiscal de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %.
C- Troisième et quatrième affaires (n° 2021-18 et 2021-19) : autre coup d’accordéon non motivé par des pertes
Résumé de l’affaire :
La SARL A a été créée en 1995. Son capital social d’un montant de 168 000 €, au 31 décembre 2013, était divisé en 10 500 parts, d’une valeur unitaire de 16 euros, détenues à hauteur de 95,24 % par M. X (10 000 parts) et 4,76 % par un autre associé Y (500 parts).
Nombre de parts (Nominal = 16€) | |
X | 10 000 |
Y | 500 |
Le 10 juin 2014, le capital de la société a été augmenté de 232 000 euros par incorporation de la prime d’émission et d’une partie des autres réserves pour être porté à 400 000 euros. Le nombre de parts et leur répartition entre les associés sont restés inchangés. La valeur nominale d’une part a ainsi été portée de 16 euros à 38,10 euros.
Nombre de parts (Nominal = 38,10€) | |
X | 10 000 |
Y | 500 |
Au cours de l’assemblée générale extraordinaire du 14 octobre 2015, le capital de la société a été augmenté de 400 000 euros, par incorporation d’une partie des autres réserves, pour être porté à 800 000 euros. Cette augmentation du capital a été réalisée au moyen de la création de 10 500 parts nouvelles d’une valeur nominale de 38,10 euros. Les parts ont été attribuées aux deux associés proportionnellement à leurs droits dans la société à raison d’une part nouvelle pour une part ancienne.
Nombre de parts (Nominal = 38,10€) | |
X | 20 000 |
Y | 1 000 |
Au cours de la même assemblée générale extraordinaire, il a été décidé que le capital de la société serait réduit de 800 000 euros à 400 000 euros et que cette réduction de capital de 400 000 euros serait réalisée par rachat de 10 500 titres aux associés proportionnellement à leurs droits dans la société pour une valeur unitaire de 38,10 euros.
Nombre de parts (Nominal = 38,10€) | |
X | 10 000 |
Y | 500 |
Le gain retiré lors du rachat par la société de ses parts a bénéficié des dispositions du 6° de l’article 112 du CGI conduisant à une imposition à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières calculée après application d’un abattement « renforcé » de 85 % pour durée de détention.
La plus-value de 377 141 euros, calculée sans abattement pour durée de détention, a été soumise aux prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine.
A l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration a considéré que les opérations concomitantes d’augmentation du capital social et de réduction de capital non motivée par des pertes par rachat de titres étaient dépourvues de toute justification économique et avaient été réalisées dans le seul but d’appréhender des dividendes sous couvert de l’application du régime des plus-values des particuliers, contrairement à l’intention du législateur. Elle a estimé qu’aucun motif autre que fiscal ne justifiait la réduction de capital.
L’avis du Comité :
Argumentations du contribuable
Le Comité relève que M. X se prévaut de circonstances particulières tenant à ce que les opérations concomitantes d’augmentation du capital social et de réduction de capital non motivée par des pertes par rachat de titres sont intervenues dans le cadre d’une restructuration globale entreprise depuis plusieurs années de la société A.
Il invoque les difficultés de la société compte tenu du contexte du secteur ainsi que la structuration de son bilan caractérisé par la présence de l’immobilier d’exploitation à l’actif, ce qui rendait plus onéreuse la valeur de la société et affectait sa rentabilité de sorte que ses deux tentatives de cession de la société en 2003 et en 2010 n’ont pu aboutir.
Il précise que, dans ce contexte et afin de renforcer la rentabilité de la société, la décision a été prise en 2013 d’externaliser l’immobilier d’exploitation. Une opération de crédit-bail a été entreprise à cette fin et a permis de dégager des liquidités importantes. Il expose aussi que la société a poursuivi en 2014 sa réorganisation avec ces liquidités notamment par la réalisation d’investissements importants lui ayant permis d’améliorer sa compétitivité ainsi que son activité opérationnelle et commerciale.
Il soutient que les opérations concomitantes décidées en 2015 ne peuvent être isolées mais s’insèrent dans l’objectif poursuivi depuis plusieurs années de procéder à cette restructuration globale afin de permettre une augmentation de la rentabilité de la société et que l’opération de réduction de capital non motivée par des pertes a, du fait de l’appréhension par les associés de l’excédent de trésorerie exceptionnel généré lors de la cession de son immobilier d’exploitation, permis une diminution de la valeur faciale de cette société requise afin de rendre possible sa cession.
Réponse du CAD
Le Comité estime que, compte tenu de l’ensemble des éléments ainsi portés à sa connaissance et qui ne sont pas sérieusement contredits, l’opération remise en cause par l’administration ne peut être appréhendée de manière isolée mais s’inscrit dans un schéma global et était ainsi motivée par une finalité économique propre de sorte qu’elle ne peut être regardée comme constituant un montage artificiel ayant eu pour seul but de permettre à X de bénéficier pour les gains qu’il a réalisés du régime des plus-values et de l’abattement pour durée de détention et d’éviter l’imposition, selon les règles applicables aux revenus de capitaux mobiliers, de distributions effectuées par la société.
Il considère que, si l’opération de réduction du capital social non motivée par des pertes a été précédée le même jour d’une opération d’augmentation du capital prélevée sur les réserves d’un même montant et selon la même répartition, cette circonstance ne modifie pas, en l’espèce, son appréciation eu égard au contexte particulier dans lequel ces opérations s’insèrent.
Selon le Comité, l’administration n’était pas ici fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.
Cependant, l’administration a décidé de ne pas suivre l’avis du Comité. Les opérations d’augmentation et de réduction du capital pour un même montant, décidées au cours de la même assemblée générale extraordinaire, n’ont entraîné aucune modification de la répartition du capital entre les associés. Selon elle, l’amélioration de la rentabilité de la société et la diminution de sa valeur faciale auraient été identiques en cas de distribution de dividendes. Le rachat de titres suivi de leur annulation n’apparaît ainsi motivé que par le seul motif fiscal d’appréhender des réserves de la société sous le régime fiscal plus favorable des plus-values.
Notre analyse :
Notre sentiment est mitigé.
Le contribuable a certes réussi à convaincre le Comité par une argumentation liée à la stratégie économique. Les arguments de l’administration sont également pertinents. Il reviendra aux juges de trancher. L’issue du contentieux demeurant incertaine.
III. Conclusion
Depuis 2015, la multiplication des opérations de réduction de capital a suscité pour certains une vague d’enthousiasme et pour d’autres quelques craintes et réserves. Le fisc a engagé sur ce sujet de nombreux redressements.
La publication de ces premiers avis du CAD permet de mettre en lumière certains fondamentaux :
- Les contentieux se situent bien sur le terrain de l’abus de droit (Article L 64 du LPF),
- En présence d’une opération de rachat par une société à ses associés d’une partie de ses titres suivie de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, l’appréhension par ces associés des sommes qui lui sont versées à raison de ce rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’ils auraient ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société,
- Mais une telle opération peut aussi, dans certaines circonstances, constituer un montage artificiel, contraire de ce fait à l’intention poursuivie par le législateur, qui avait pour seul but de permettre aux associés d’appréhender des distributions en échappant à l’imposition des revenus de capitaux mobiliers et de bénéficier ainsi du régime des plus-values ainsi que de l’abattement pour durée de détention,
- L’opération de réduction de capital doit avoir une justification autre que fiscale,
- L’opération peut se justifier par des circonstances particulières liées à une restructuration globale de la société. Ces circonstances devant s’apprécier au cas par cas.
A nos yeux, la réduction de capital ne pose aucune difficulté dans certaines situations et notamment :
- Lorsque la motivation est liée à l’effacement de pertes,
- Lorsqu’elle permet la sortie d’un ou plusieurs associés,
- Lorsque la distribution de dividendes est impossible du fait d’une trésorerie d’un montant supérieur au résultat et réserves distribuables.
Pour les autres situations, il restera à convaincre le fisc, puis le cas échéant le Comité de l’Abus de Droit et les juges de l’intérêt économique et juridique de l’opération.
On ajoutera pour terminer qu’il existe également un enjeu social puisque le dispositif applicable aux plus-values conduit à appliquer les prélèvements sociaux patrimoniaux au taux de 17,20%, alors que les dividendes sont selon les situations assujettis aux mêmes prélèvements sociaux ou dans certains cas aux cotisations sociales professionnelles.