Article paru dans le numéro 563 de la Revue Française de Comptabilité d’octobre 2021
Le choix d’un régime fiscal applicable à une société civile constituée pour détenir un bien locatif demeure une interrogation légitime. Rappelons que le choix en faveur du régime des sociétés de capitaux est le plus souvent irrévocable. Une exception est possible pour une option prise depuis moins de 5 ans.
Le choix du régime doit être mûrement réfléchi, car les conséquences fiscales seront durables et importantes. Comment choisir face à deux théories ?
- Celle des « pro IS » d’un côté, qui arguent d’une économie fiscale pendant la durée de détention du bien et sa location ;
- Celle des « pro IR » qui militent en faveur de la fiscalité attachée à la cession du bien et à la liquidation de la société civile.
À qui faut-il donner raison ? En tout état de cause, le choix devra être réalisé par le client, éclairé par son ou ses conseils…
Dans un premier temps, nous proposerons une approche pédagogique de l’enrichissement et de la rentabilité d’un investissement financier ou immobilier. Nous réaliserons ensuite une analyse comparative des deux régimes d’imposition. Quatre temps seront analysés :
- pendant le financement par emprunt ;
- après le financement par emprunt ;
- lors de la cession du bien immobilier ;
- à la liquidation de la société.
Nous terminerons notre étude par l’élaboration d’une grille d’analyse au vu des paramètres fondamentaux que sont le rendement du bien, la plus-value potentielle et le taux marginal d’imposition de l’investisseur.
I. Analyse pédagogique de l’enrichissement et de la rentabilité
A. Les flux cumulés ou l’enrichissement
Notre premier critère de comparaison porte sur l’enrichissement de l’investisseur à l’issue du financement par emprunt.
1. Comparaison des modes de financement
Prenons un exemple purement pédagogique :
Un bien immobilier (non locatif) est acquis et financé de trois manières différentes :
- un financement cash impliquant un décaissement immédiat de 150 000 € ;
- un financement à crédit sur 15 ans de 150 000 € au taux de 1,29 % impliquant des échéances cumulées de 165 000 € ;
- un financement à crédit sur 15 ans de 150 000 € au taux de 2,50 % impliquant des échéances cumulées de 180 000 € ;
Solutions | Financement 1 | Financement 2 | Financement 3 |
Mode financement | Cash | Emprunt 15 ans 1,29% | Emprunt 15 ans 2,50% |
Effort sur 15 ans | – 150 000 € | – 165 000 € | – 180 000 € |
Nous considèrerons qu’il n’y a aucun autre effort d’épargne que l’apport en cas de financement cash ou les échéances de prêt en cas de financement à crédit.
2. Capital disponible au terme du financement
Nous supposerons que le bien ainsi acquis, permettra, au terme de 15 années de détention, d’appréhender un capital de 300 000 € net de toute fiscalité. Dès lors, quel serait l’enrichissement de l’investisseur ?
La richesse créée est égale à la différence entre le capital obtenu à terme et l’effort de trésorerie (l’effort d’épargne pendant le financement).
Solutions | Financement 1 | Financement 2 | Financement 3 |
Mode financement | Cash | Emprunt 15 ans 1,29% | Emprunt 15 ans 2,50% |
Effort sur 15 ans | – 150 000 € | – 165 000 € | – 180 000 € |
Capital net au terme | + 300 000 € | + 300 000 € | + 300 000 € |
Enrichissement | + 150 000 € | + 135 000 € | + 120 000 € |
A la lecture de ce second tableau, le financement cash (#1) serait retenu si on se limite à l’enrichissement. Mais est-ce une comparaison efficiente ?
Malheureusement, les flux sont retenus pour leur montant cumulé sans tenir compte du facteur temps car si le financement #1 implique un effort immédiat de 150 000 €, les financements à crédit vont se traduire par un décaissement étalé dans le temps de 11 000 €/an ou 12 000 €/an selon que le taux d’emprunt sera respectivement de 1,29% ou de 2,50%.
Si l’investisseur souhaite tenir compte de ces décaissements étalés dans le temps, il faudra faire une comparaison via un autre paramètre, à savoir, la rentabilité.